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Le Blog de Henri Gossé
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13 décembre 2007

Mugabé et nous

En tant qu´africain, faut-il défendre Mugabé ?

En 1963, Mugabe, le leader de la guérilla fonde la Zimbabwe African National Union (ZANU). Il négocie l’indépendance de son pays avec Joshua Nkomo, dirigeant de la Zimbabwe African People’s Union (ZAPU), un autre père de l ’indépendance comme nous aimons à les appeler en Afrique. Les résultats des élections de 1980 confiment la victoire du Zanu qui remporte la majorité absolue et Mugabe devient Premier ministre. Mugabe, qui avait mené le combat contre le pouvoir blanc dans cette partie de la terre africaine qu´on appelait alors la Rhodésie, forme une coalition composée de Blancs et de la ZAPU de Nkomo, évincés du pouvoir par la suite.

Lorsque la Rhodésie change de nom pour devenir le Zimbabwe en 1980, Mugabe est considéré comme l’emblème d’une transition réussie du colonialisme en Afrique. Qui ne se souvient pas du Zimbabwe des années 80 ? Un des pays phares d´Afrique? À L’époque, la croissance était de 5 % l’an quand les zones rurales étaient équipées en routes, électricité et eau potable. Les soins de santé et l’éducation étaient parmi les meilleurs en Afrique. Mugabe a mené son pays à un taux d’alphabétisation jamais inégalé en Afrique, 85 %, et son socialisme déclaré promettait une égalité plus grande devant la santé dans un Zimbabwe nouveau et multiracial ! Le Zimbabwe a été longtemps considéré comme le "grenier" de l'Afrique AustraleMugab_

Elu à la tête du Zimbabwe en 1987, Mugabé change de plus en plus de méthodes et de politique. Les images de son opposant Morgan Tsvangirai humilié et blessé par la police Zimbabwéenne achèvent de nous inquiéter. Mugabé est surtout en mauvaise amitié avec les occidentaux qui l´accusent de dictateur. Aujourd´hui, l´agriculture qui était le pillier de l´économie de ce pays s´est effondrée. La réforme agraire de 2000 pronée par Mugabe et l´occupation des fermes blanches n'a pas seulement entraîné une famine. Elle a occasionné, par réaction en chaîne, une crise qui s'étend dans tous les domaines de l'économie et de la société. Les fermiers blancs étaient les premiers employeurs te « défendeurs » de l´économie du pays et certains fournissaient des services annexes comme des petits dispensaires de campagne ou des écoles. 300 000 ouvriers agricoles avec leur famille, c'est-à-dire 1 million de personnes, vivaient sur les fermes commerciales. L'agriculture représentait la première source de devises du pays, avec 40% des recettes d'exportation. 3000 entreprises environ travaillaient en amont et en aval pour ce secteur. Quant à l´inflation, elle est l´une des plus élévées au monde.

Pour revenir à la réforme agraire, Mugabe n´avait d´autre choix que de la réaliser. Comme je l´ai écrit dans l´un de mes articles il y´a deux ans, les conflits terriens en Afrique ont pour cause un conflit de civilisation entre une notion occidentale et africaine de « propriété » totalement différente. En Europe, on peut être propriétaire d´un terrain et on l´ est que si on peut le prouver par un contrat.  Tel n´est pas nécessairement le cas en Afrique surtout quand il s´agit des terres. En Afrique, la terre n´appartient pas à un individu, à une personne. Elle est la propriété de la famille, d´un clan ou de la tribu. Elle ne se vend pas, ne s´achète pas et ne peut qu être pretée. Notons que de nombreuses terres ont été arrachées de force à leur « propriétaires » par des colons occidentaux en quête de terres. Pour étayer mon affirmation, je me permets de citer Jomo Kenyata : « Lorsque les Blancs sont venus en Afrique, nous avions les terres et ils avaient la Bible. Ils nous ont appris à prier les yeux fermés : lorsque nous les avons ouverts, les Blancs avaient la terre et nous la Bible.». Cependant, il ne nous appartient pas d´accuser tous les colons occidentaux car juridiquement, certains nouveaux fermiers blancs peuvent être considérés propriétaires de leurs terres. Si A vole une terre et qu´il la revend plutard à B qui l´achète de bonne foi, B peut en être comme propriétaire légal. Au pire des cas, on peut arracher la terre à B et demander à A de rembourser à B l´argent. Ceci pour dire que la redistribution était nécessaire.

De plus bon nombre d´africain voient en Mugabe, un opposant au diktat occidental, un autre africain qui réfuse de faire le jeu d´un occident très arrogant. Qu´en pensez-vous ? Mugabé est-il pour vous un ange ou un Diable ?

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Commentaires
G
Belle replqiue cher ami Musengeshi. J´ai lu votre intervention et je la trouve trés bien refléchie. Maintenant, je voudrais vous demander.<br /> Que faut-il que nous fassions, nous africains, pour nous libérer totalement? Ou bien c´est un leurre?<br /> <br /> Gossé
M
Ami Gossé, Mugabé a épuisé notre confiance et étiré notre patience. Il avait pourtant bien commencé, avec ses réformes agraires. Mais aujourd´hui il se cramponne au pouvoir sans présenter des résultats satisfaisants ou à la hauteur des exigences contemporaines. Par ailleurs, il use de violence et de méthodes douteuses envers les siens. <br /> Cet homme est le prototype du politicien africain qui a bien saisi la réalité telle qu´elle est, mais qui, pour changer les choses, s´enferme dans les mailles absurdes de la violence et de la brutalité ; exactement ce qu´il reprochait aux occidentaux et particulièrement à Ian Smith. Même si il reste de loin plus humain que les occidentaux, il est, comme tout dirigeant africain, contraint à être jugé par ses résultats et ses méthodes de gestion. Ils sont hélas maigres. J´admets qu´il a été systématiquement et bien sournoisement combattu par les occidentaux, mais ça, c´est la voie qu´il avait choisi. Et le véritable prix de la liberté africaine. <br /> Peut-être qu´il s´y est-il mis trop tard, ou a-t-il sous estimé l´occident et ses énormes moyens internationaux de mise à l´index. En tout cas, il lui a manqué de talent dans l´art de déjouer ses ennemis ou de les combattre efficacement, parce que malgré tout, la réussite économique est possible en Afrique. Mais il faut savoir en payer le prix le plus haut en efforts de production, de créativité et d´intelligence d´organisation sociale. Or souvent les africains sont soit déphasés, soit peu décidés à en payer le prix constant croissant. Leurs adversaires, eux ont des moyens de patience et d´empêchement. Ils peuvent se donner le luxe d´attendre tout en jouant leur jeu favori d´humanistes reconvertis…<br /> Cette histoire Mugabé doit faire réfléchir tout intellectuel, et bien de courageux esprits se découragent déjà. Et pourtant, cet exemple restera pour tout observateur averti un cas frappant de ce que l´occident peut être sournois et fourbe envers tous ceux qui veulent se libérer de son hégémonie. Mais aussi combien l´africain s´embourbe face à son propre avenir tout en ayant la meilleure bonne foi du monde : celui de retrouver son autonomie. Questions de méthodes, d´intelligence pratique ou de véritable talent à organiser et canaliser les ambitions de son peuple ? Un peu de tout cela. <br /> En tout cas ce qui le retient aujourd´hui au pouvoir, c´est la corde que les occidentaux lui prépare pour leur avoir tenu tête. Et il le sait. <br /> On sera surpris à son départ ou à sa mort de voir que toutes les réformes qu´il avait faites seront remises en cause par ceux-là mêmes qu´il avait essayé de sauver de la soumission et de la vile exploitation étrangère : son propre peuple auquel on fera miroiter l´aide malfaisante et les crédits abrutissants du FMI. Et ce jour-là le Zimbabwe sera revenu sous les bottes de ses anciens maîtres anglo-saxons. L´Afrique, eh oui ; l´Afrique…espérons que la génération qui suivra aura plus de talent. <br /> Musengeshi Katata. <br /> Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu <br /> Forum Réalisance
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